L’interaction entre le fonds de commerce et le bail commercial est souvent source de confusion, tant pour les entrepreneurs que pour certains professionnels du droit. Pourtant, comprendre cette relation est essentiel pour quiconque exploite ou souhaite acquérir un fonds de commerce. Le fonds de commerce, ensemble de biens mobiliers incorporels, est l’outil principal de l’exploitant, tandis que le bail commercial est le contrat qui permet à cet exploitant d’utiliser un local pour exploiter son fonds de commerce à travers l’exercice de l’activité commerciale. Ces deux éléments sont étroitement liés, car le fonds de commerce ne peut exister sans un lieu d’exploitation, souvent régi par un bail commercial. Le fonds de commerce peut faire l’objet de diverses opérations économiques telles que la vente, la location ou le nantissement. Mais quelles en sont les répercussions pour le propriétaire du local ? Peut-il intervenir dans ces transactions ? Cet article vous propose une analyse approfondie des droits et des limites du bailleur, tout en clarifiant les obligations des parties dans le cadre d’un bail commercial
- Quelle relation existe entre un fonds de commerce et un bail commercial ?
Il est essentiel de commencer par rappeler la définition du fonds de commerce. Les articles 79 et 80 de la loi 15-95 formant Code de commerce définissent le fonds de commerce comme un bien meuble incorporel, constitué de l’ensemble des biens mobiliers affectés à l’exercice d’une ou plusieurs activités commerciales. Le fonds de commerce est composé obligatoirement de deux éléments : la clientèle et l’achalandage. À cela s’ajoutent divers autres biens nécessaires à l’exploitation, tels que le nom commercial, l’enseigne, le droit au bail, les marchandises, le matériel, ainsi que les droits de propriété industrielle, et d’autres éléments énumérés dans l’article 80 du Code de commerce.Le bail commercial, quant à lui, est régi par la loi 49-16 relative aux baux d’immeubles ou de locaux loués à usage commercial, industriel ou artisanal, porte sur un immeuble ou un local destiné à abriter des activités industrielles, commerciales ou artisanales, dans lequel est exploité un fonds de commerce. Le contrat de bail permet ainsi au locataire d’exploiter un fonds de commerce dans le local loué.Il est toutefois important de distinguer clairement deux notions souvent confondues : le bail commercial et la gérance libre. Le bail commercial concerne la location du local dans lequel un fonds de commerce est exploité, tandis que la gérance libre porte sur la location du fonds de commerce lui-même, sans inclure la location du local lui-même (des murs du local). La gérance libre confère au locataire la gestion et l’exploitation du fonds de commerce, mais le bien immobilier (local commercial) reste hors champ de cette gérance libre.
Enfin, il convient de souligner que cette interférence entre le local commercial et le fonds de commerce entraîne souvent une confusion, tant pour les non-professionnels que pour certains acteurs du secteur. Il est donc primordial d’établir une distinction claire entre ces deux concepts afin d’éviter toute ambiguïté dans les transactions et les relations commerciales.
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- Quand peut-on considérer qu’un fonds de commerce est constitué ?
- Quand peut-on considérer qu’un fonds de commerce est constitué ?
La question de la constitution d’un fonds de commerce est sujette à débat, car la loi et les règlements ne définissent pas précisément la date de sa création. Seules ses composantes sont définies, conformément à l’article 80 du Code de commerce. En conséquence, la date de création d’un fonds de commerce reste une source de controverse parmi les praticiens du droit.
Tout d’abord, il est important de ne pas lier la constitution du fonds de commerce à l’existence d’un bail commercial. Un propriétaire de local commercial peut exploiter une activité commerciale dans son propre local et ainsi constituer un fonds de commerce, indépendamment de l’existence d’un bail.
Par ailleurs, certains estiment que le fonds de commerce n’est constitué qu’après une exploitation continue du local pendant une durée minimale de deux ans. Cependant, la loi n’impose pas cette condition. Cette confusion provient de la distinction entre le fonds de commerce et le droit au bail, qui, lui, naît après une jouissance du local pendant deux années consécutives, conformément à l’article 4 de la loi 49-16.
Il est également à souligner que le droit au bail est protégé par le droit de renouvellement du bail, qui garantit la continuité de l’activité commerciale ou une indemnisation en cas d’éviction sans motif légitime. Bien que le droit au bail soit un élément du fonds de commerce, il est secondaire et non obligatoire. Ainsi, la naissance du droit au bail ne coïncide pas nécessairement avec la naissance du fonds de commerce, et l’absence de droit au bail ne signifie pas qu’un fonds de commerce n’existe pas.
Une exception à ce principe se trouve dans la loi 17-04 relative au code du médicament et de la pharmacie. Cette loi stipule que les baux des locaux abritant des officines de pharmacie sont régis par les dispositions du dahir de 1955 (ce dahir à été abrogé par la loi 49-16), dérogeant à l’article 5 de ce dahir. Elle prévoit que le droit au renouvellement du bail s’applique dès l’ouverture de l’officine, sans attendre l’écoulement des deux années généralement requises. Cette dérogation est justifiée par la rareté des locaux disponibles pour les pharmacies et la contrainte réglementaire liée à la distance de 300 mètres linéaires entre deux officines.
En conclusion, le fonds de commerce repose sur deux éléments essentiels : la clientèle et l’achalandage. Ces éléments peuvent être présents dès les premiers jours de l’ouverture du local, permettant ainsi de considérer que le fonds de commerce est constitué dès le début de l’exploitation du local commercial.
- Dans le cadre d’un bail commercial, le propriétaire du local peut-il s’opposer à la vente, la location ou au nantissement du fonds de commerce ?
Le fonds de commerce peut faire l’objet de plusieurs opérations économiques, telles que la vente, la location ou le nantissement, à n’importe quel moment de son existence. Sa valeur est évaluée en fonction des éléments qui le composent, notamment la clientèle, l’achalandage, le droit au bail, le matériel, les brevets, et autres éléments similaires.
Dans le cadre d’un bail commercial, il est important de rappeler la coexistence de deux propriétaires distincts. D’une part, le bailleur, propriétaire des murs du local commercial, et d’autre part, le locataire, qui est également propriétaire du fonds de commerce exploité dans ce même local.
Après (2),deux années d’exploitation dans le local commercial, le fonds de commerce est renforcé par l’acquisition d’un élément clé : le droit au bail, qui s’ajoute aux autres composantes du fonds de commerce. L’article 25 de la loi n° 49-16 précise que le propriétaire du fonds de commerce peut céder librement son droit au bail, soit avec, soit séparément du fonds de commerce, et ce, sans l’accord préalable du bailleur. Cette disposition a été confirmée par plusieurs décisions judiciaires, dont un arrêt notable de la Cour d’appel de Casablanca (n° 4844 en date du 4 octobre 2017). Dans cette affaire, la Cour a jugé que, bien que le locataire se soit engagé dans le contrat de bail à ne pas céder son droit au bail, une telle clause est réputée nulle et non avenue, permettant ainsi au locataire de céder son droit au bail sans contrainte.
L’article 25 de la loi n° 49-16 réaffirme également que le droit au bail peut être cédé indépendamment du fonds de commerce. Bien que le droit au bail puisse être vendu en même temps que le fonds de commerce, rien n’empêche le locataire de céder uniquement le droit au bail, tout en conservant les autres éléments constitutifs de son fonds de commerce.
La vente conjointe du droit au bail avec le fonds de commerce est régie par les dispositions du Code de commerce. En revanche, la cession séparée du droit au bail n’est pas encadrée par un texte spécifique et reste donc soumise aux principes du droit commun. Afin de rendre la cession opposable au bailleur, celle-ci doit être notifiée à ce dernier, soit par le cédant, soit par le cessionnaire.
En outre, lors de la cession d’un fonds de commerce, les créanciers du fonds peuvent protéger leurs créances en formant opposition sur le prix de vente, empêchant ainsi l’acquéreur de verser le prix directement entre les mains du vendeur. Le bailleur, s’il est créancier, a également la possibilité d’inscrire une saisie conservatoire sur le fonds de commerce pour garantir les loyers échus et impayés. Toutefois, il convient de souligner que le bailleur ne peut former opposition à la vente du fonds de commerce pour des loyers à échoir (loyers futurs).
En conclusion, le bailleur ne peut s’opposer à la vente du fonds de commerce par le locataire, propriétaire de celui-ci. Cependant, il dispose d’un droit de préférence lui permettant de reprendre le local en priorité, à condition d’exercer ce droit dans un délai de 30 jours à compter de la notification de la cession du fonds de commerce, faite soit par le cédant, soit par le cessionnaire, comme mentionné précédemment.
DH